PASCAL BROCCOLICHI
ÉCOUTES NOMADES
DU 26 SEPTEMBRE AU 9 DÉCEMBRE 2017



Galerie d’art Albert Bourgeois
Couvent des Urbanistes
25, rue de la Caserne
35300 Fougères


Pascal Broccolichi met généralement tout en œuvre pour produire le plus grand
écart possible entre ce qui est à écouter et ce qui reste à voir.
Pour son exposition monographique à la Galerie d'Art Albert Bourgeois de
Fougères, il propose la mise en son d’un nouveau scénario puisqu’il prend pour
point de départ, l’écoute comme une réalité matérielle qui mêle des
installations sonores à des dessins illustrant des scènes bruitistes aux accents
cyborgs et futuristes. Plusieurs dispositifs investissent ce paysage sonore en
continuelle transformation. Dans le premier espace d’exposition, une table de
travail de laboratoire accueille deux pavillons aux parois minutieusement
taillées dans du bois. Cette sculpture, Binaural, nimbée d’un blanc presque
opalescent représente une architecture d’écoute comme celle qu’aurait pu
imaginer le scientifique Athanasius Kircher au XVIIème siècle. Face à cette
œuvre qui ne produit aucune sonorité mais qui représente plutôt ce que serait
idéalement pour l’artiste un édifice dédié à l’audition, débute la série de
dessins Micropure qui s’étend dans les deux premières salles de la galerie.
Les motifs de ces images tiennent à la fois de l’architecture utopique, de la
faune sous-marine, de prototypes de machines à diffuser le son ou à capter
des ondes. Elles participent d’un imaginaire qui pourrait être celui d’un univers
à venir, d’une technologie pas encore présente autour de nous. Entités
mécaniques et organiques, ces graphiques, intimement unis au monde des
ondes et des flux inframinces, au monde des manifestations subtiles et des
prises de forme inouïes, attestent que l’œuvre de Pascal Broccolichi est aussi
éminemment visuelle, qu’inventer des sons signifie également pour lui
imaginer des dispositifs fortement élaborés physiquement et travaillés
visuellement. Dans la seconde salle de la galerie, deux sphères noires à
l’allure massive sont constellées de 34 haut-parleurs. Conçu comme un
véritable instrumentarium électroacoustique, Audiosphères est inspiré des
travaux de recherche du légendaire Club d’essai. Cet orchestre hémisphérique
de haut-parleurs a été imaginé par l’artiste pour tracer de multiples
trajectoires d’écoute et diriger les ondes dans des zones précises de l’espace
d’exposition où elles sont distribuées de façon omnidirectionnelle. L’œuvre
compose ainsi à elle seule un écosystème infini qui amplifie et répand une multitude de vagues de résonances et joue avec les principes complexes de l’acousmonium cher aux expérimentations de la musique Concrète*.
Dans la dernière salle, Pascal Broccolichi présente une œuvre phonographique parmi celles qu’il a réalisées depuis plus de 25 ans. Loin de toute musicalité, les sons, ondes et résonances qu’il recueille à l’aide d’une large palette de micros, d’antennes électromagnétiques et d’accéléromètres, lui permettent de capter une matière vivante qu’il va modeler ensuite en un espace fictionnel, sorte de cinéma pour l’oreille à la source duquel l’environnement naturel en est le sujet principal. Pour cette œuvre, Espace injecté 2, l’artiste a entrepris de délocaliser puis relocaliser une multitude d’éléments sonores enregistrés dans l’immense zone portuaire de Hong Kong. Espace injecté 2 propose ainsi une traduction de son expérience en un non-lieu atemporel, des nappes de sons mats aux tonalités métalliques, réagencées en groupes phoniques formant des strates qui s’emboîtent, et s’intercalent.
Ce sound work ainsi diffusé tel quel, construit un univers autonome, à même, pourtant, d’incorporer l’extériorité du site portuaire, un environnement à la fois âpre et futuriste, inquiet et en devenir. Il propose dans cette œuvre, l’expérience brute d’un vécu « ici », unique, du corps d’un visiteur à la croisée d’une perception sonore et visuelle, cohabitant avec l’invocation du « là-bas » spatial et temporel, historique, du paysage. C’est un espace en mouvement perpétuel qui offre une traduction du paysage sonore, visuel et mental que Pascal Broccolichi a traversé durant de multiples sessions d’enregistrement. Cette œuvre conjugue, selon les mots de Thierry Davila, une « ouverture au présent » et une « épaisseur du temps ».

* « La musique concrète c’est l’art de la décision, l’art du choix. On prend un son plutôt qu’un autre et c’est à ce moment précis que la composition peut commencer. Ce son choisi devient ainsi l’aimant de tout ce qui va arriver ensuite. »
Pierre Henry